Peut-on vraiment faire de l'hypnose sans transe ?

Pourquoi la transe hypnotique est-elle indispensable en hypnose thérapeutique ?

Quand une personne prend rendez-vous avec un hypnopraticien, elle vient, j'imagine, chercher une expérience d'hypnose, avec l'espoir de mobiliser des ressources profondes pour dépasser des blocages, transformer des automatismes ou amorcer des changements durables. Pourtant, toutes les approches pratiquées sous le nom d'hypnose ne sollicitent pas systématiquement la transe hypnotique profonde, se contentant parfois d'approches plus légères, proches du coaching ou des thérapies brèves par le verbe.

A mes yeux pourtant, savoir induire et guider une transe hypnotique est l'essence même de ce métier. Bien sûr, des approches douces comme la PNL, la relaxation ou la pleine conscience peuvent apporter des bénéfices, mais elles n'exploitent qu'une petite partie du potentiel de l'hypnose. Si la personne choisit de venir voir un hypnopraticien, c'est bien souvent pour vivre cette expérience singulière qui permet d'accéder aux processus inconscients. Pour moi, il est donc essentiel que l'hypnopraticien maîtrise cette dimension fondamentale de l'accompagnement.

Qu'entend-on par transe hypnotique ?

La transe hypnotique désigne cet état particulier de conscience modifiée où l'esprit se déconnecte partiellement de la réalité extérieure pour se tourner vers l'intérieur. Cet état peut varier en intensité, allant d'une simple relaxation à des niveaux de profonde immersion où la personne semble presque absente, tout en étant bien là. C'est une expérience étonnante qu'on pourrait qualifier de forme de dissociation. Contrairement aux idées reçues, la transe n'est pas une perte de contrôle, mais plutôt un état d'hyper-concentration où l'esprit devient plus réceptif aux suggestions et aux changements.

Historiquement, la transe a toujours été au cœur des pratiques hypnotiques, que ce soit chez Mesmer au XVIIIe siècle, chez les pionniers comme James Braid, ou dans les recherches menées au XXe siècle par Milton Erickson. Pourtant, avec l'influence croissante de la programmation neuro-linguistique (PNL) dans les années 1980-1990, l'hypnose a peu à peu intégré des approches plus légères, centrées sur le langage et la reformulation.

Pourquoi la transe est-elle essentielle selon moi ?

1. Accéder à des processus inconscients profonds

L'un des grands intérêts de la transe hypnotique est de permettre à la personne d'accéder à des mécanismes inconscients souvent inaccessibles par la simple conversation. Quand l'esprit conscient lâche prise, des processus automatiques peuvent se mobiliser pour faciliter des changements durables. C'est particulièrement vrai pour des problématiques comme les troubles du sommeil, les douleurs chroniques (après avis médical) ou certaines addictions, où l'accès à des schémas inconscients est crucial.

Des études menées sur l'hypnose montrent que des états de transe plus profonds favorisent des modifications physiologiques, comme la diminution de la douleur (de la perception de la douleur pour être plus précise) ou la régulation du stress (Rainville et al., 1999). Ces effets sont difficilement atteignables sans une immersion hypnotique suffisante.

C'est pour cette raison que je suis allée me former en hypnose rapide issue des techniques classiques, en transe somnambulique profonde et en hypnose elmanienne. L'idée est d'élargir la palette d'outils afin de créer la transe nécessaire et adaptée à chaque client.

2. Créer une expérience transformatrice

La transe ne se limite pas à un outil technique : c'est aussi une expérience vécue qui peut marquer profondément la personne. Se sentir plonger dans un état modifié de conscience, où le temps et l'espace semblent suspendus, permet souvent d'élargir sa perception de soi et de ses propres capacités. Cet aspect expérientiel donne une dimension plus profonde à l'accompagnement thérapeutique, bien au-delà des simples échanges verbaux.

Constater que ses mains bougent seules et sans volonté donnent un aperçu de ce qu'il peut se produire en soi lorsqu'on met la volonté de côté pour laisser agir quelque chose de plus automatique, plus inconscient, plus grand que soi à l'intérieur.

3. Contourner les résistances mentales

Dans un état de conscience ordinaire, notre esprit critique reste très actif et peut freiner certains changements : peur du jugement, du regard des autres, conformation aux contraintes sociales et éducationnelles... La transe permet de contourner ces résistances en installant un état de "flottement" mental, où les suggestions peuvent être intégrées plus facilement. Cela ne signifie pas que la personne perd son libre arbitre, mais simplement que l'accès à de nouvelles perspectives devient plus fluide.

Pourquoi certaines approches s'en éloignent-elles ?

Si la transe hypnotique a parfois été délaissée, c'est en partie à cause de la recherche d'efficacité rapide dans les pratiques modernes. Les techniques issues de la PNL, par exemple, privilégient souvent des approches symboliques ou conversationnelles, où l'on mise sur des changements cognitifs rapides. Ces approches peuvent être utiles dans certaines situations, mais elles passent à côté de la richesse des états modifiés de conscience.

Il est également possible que la transe fasse peur, tant pour les praticiens que pour les personnes accompagnées. Elle demande de lâcher prise, d'accepter l'inconnu, ce qui peut sembler inconfortable. Pourtant, c'est précisément dans cette immersion que l'hypnose déploie tout son potentiel.

La PNL : une hypnose sans transe ?

La programmation neuro-linguistique (PNL) est souvent perçue comme une approche cousine de l'hypnose, car elle utilise des outils similaires : suggestions, métaphores, et jeux de langage pour induire des changements cognitifs. Toutefois, la principale différence réside dans l'absence de transe profonde. La PNL mise avant tout sur des techniques de dialogue, de recadrage et d'imagination guidée, sans nécessairement induire d'états modifiés de conscience.

Si la PNL peut produire des résultats rapides, notamment sur la gestion des émotions ou la motivation, elle agit principalement au niveau conscient. Elle favorise des prises de conscience et des changements cognitifs, mais elle ne permet pas d'accéder aussi profondément aux automatismes inconscients.

Réconcilier efficacité et profondeur

À mon sens, il ne s'agit pas d'opposer transe profonde et approches plus légères, mais de redonner toute sa place à l'exploration hypnotique. Chaque séance peut trouver son équilibre en fonction des besoins de la personne, mais la transe doit rester une possibilité offerte, même si elle n'est pas systématiquement nécessaire.

Le retour actuel vers des pratiques plus centrées sur la transe, observé chez certains praticiens comme Jean Becchio* ou François Roustang**, témoigne de cette volonté de renouer avec l'essence de l'hypnose. Cette tendance montre que l'hypnose ne se limite pas à une simple conversation, mais qu'elle reste avant tout une expérience intime de transformation.

Pour une hypnose vivante

En conclusion, la transe hypnotique n'est pas une finalité en soi, mais elle constitue un levier précieux pour accompagner des changements profonds. Si certaines approches plus légères peuvent suffire dans certains contextes, elles ne doivent pas faire oublier la richesse des états modifiés de conscience. Développer une véritable sensibilité à la transe, c'est offrir à chaque personne un voyage intérieur unique, qui dépasse la simple résolution d'un problème pour ouvrir à de nouvelles façons d'être au monde.

Redonner toute sa place à la transe, c'est faire vivre une hypnose ancrée dans l'expérience, à la fois puissante et respectueuse de l'individu. Pour moi, c'est là que réside toute la magie de cette pratique.

(*) Jean Becchio est un médecin généraliste qui a remis la transe au cœur de l'hypnose thérapeutique. Il a été formé à l'hypnose Ericksonienne (sans pour autant renier l'héritage du psychiatre américain), mais s'en est progressivement éloigné pour développer une hypnose beaucoup plus axée sur les phénomènes hypnotiques (lévitation, catalepsie, amnésie, anesthésie...) et la profondeur de la transe.

(**) François Roustang, un ancien psychanalyste devenu l'une des figures de l'hypnose thérapeutique en France, insiste sur l'importance de la transe comme expérience corporelle de transformation. Il oppose une hypnose vivante, fondée sur l'immersion hypnotique, à une hypnose plus cognitive basée sur la parole et le symbolique. cf. François Roustang – La Fin de la Plainte (2000). Disponible en librairie ou sur des plateformes comme Cairn.info.

Aller plus loin :

La transe hypnotique et son rôle dans le changement thérapeutique

• Rainville, P., Carrier, B., Hofbauer, R.K., Bushnell, M.C., & Duncan, G.H. (1999). "Dissociation of pain sensory and affective dimensions using hypnotic modulation" – Psychological Science.
  Cet article est une référence clé pour comprendre comment la transe hypnotique profonde peut agir sur des mécanismes inconscients, notamment dans la modulation de la douleur. Il met en évidence que la transe influence non seulement la perception sensorielle, mais aussi la dimension émotionnelle de l'expérience.
  Disponible sur Google Scholar ou PubMed.

PNL et hypnose : convergences et divergences

• Stephen Gilligan – The Courage to Love: Principles and Practices of Self-Relations Psychotherapy (1997)
  Ancien élève de Milton Erickson, Gilligan explore la manière dont la PNL s'est éloignée de l'hypnose classique en mettant l'accent sur des changements plus cognitifs que somatiques. Il propose une approche réconciliant les deux, en réintégrant la dimension de la transe dans les thérapies brèves. Disponible sur Amazon ou en version numérique.

Vision critique sur l'évolution de l'hypnose moderne

• Bertrand Méheust – Un Voyage en Hypnose (2022)
  Cet ouvrage récent revisite l'histoire de l'hypnose et dénonce sa dilution progressive dans les approches purement conversationnelles, notamment sous l'influence de la PNL.